Publié le 30 mars 2022
Tous égaux face à la douleur ?
Vous êtes-vous déjà demandé si vous ressentiez la douleur de la même manière que les autres ? Existe-t-il des personnes qui ressentent plus vite ou plus intensément la douleur que les autres ? Bref, sommes-nous tous égaux face à la douleur ?
Cette question occupe de nombreux chercheurs et ce, depuis plusieurs années. La méthode la plus simple pour y répondre serait de recruter un grand nombre de personnes, de les placer dans une situation identique et de leur demander de noter leur douleur. Et c’est exactement ce qu’un psychologue américain a fait. Il a recruté plus de 300 personnes, a placé une surface chauffante à 48° contre leur peau et leur a demandé de noter leur douleur sur une échelle de 1 à 100.
Et les différences sont tout simplement astronomiques, certaines personnes rapportent avoir ressenti une douleur insoutenable alors que d’autres n’ont pas ou presque pas ressenti de douleur. Bien que ces résultats soient impressionnants, ils pourraient ne pas refléter réellement les différences de sensation mais plutôt le fait que certains individus sont plus disposés à communiquer leur douleur que d’autres. Une étude a par exemple montré que les hommes avaient tendance, pour une même stimulation, à diminuer la douleur ressentie si l’expérimentateur était une femme en comparaison avec la condition où l’expérimentateur était un homme.
Mais alors comment faire pour estimer la douleur d’un individu sans lui demander ce qu’il ressent ? Pour répondre à cette question, il faut revenir aux bases mêmes de la douleur.
Lorsqu’une stimulation est trop intense, elle active des récepteurs sensoriels spécialisés que l’on appelle des nocicepteurs. Ces nocicepteurs vont produire un signal électrique appelé potentiel d’action, qui va se propager jusqu’à la moelle épinière et dans un second temps jusqu’au cerveau. Au niveau du cerveau, diverses régions vont s’activer, analyser la situation et potentiellement produire une sensation de douleur.
Avant cette dernière étape, la douleur n’existe pas, il s’agit uniquement un signal nociceptif qui peut totalement être ignoré par le cerveau et ne pas déboucher sur de la douleur. C’est donc au niveau du cerveau que la douleur trouve son origine et c’est pourquoi, cette équipe de chercheur a décidé de mesurer la réaction du cerveau afin de déterminer si celle-ci variait d’une personne à une autre.
Ils ont donc recruté un grand nombre de personne et leurs ont appliqué une même stimulation. Ils ont ensuite comparé l’activité cérébrale des participants les plus sensibles aux participants les moins sensibles.
Et voici ce qu’ils ont observé : plusieurs régions étaient significativement plus actives chez les participants les plus sensibles. Parmi ces régions, on retrouve le cortex somatosensoriel primaire qui est en quelque sorte une carte du corps pour le cerveau. C’est une région un peu spéciale ou chaque région du corps possède une parcelle, plus ou moins grande, qui lui est propre et qui nous permet de savoir d’où la douleur provient lorsque nous nous blessons. Des différences ont également été observées au niveau du cortex cingulaire antérieur, qui lui, est impliqué dans la production des émotions négatives liées à la douleur.
En revanche, il est intéressant de noter qu’aucune différence n’a été observée au niveau du thalamus. Le thalamus c’est quoi ? C’est l’entrée de toutes les informations sensorielles vers le cerveau. Selon les auteurs, cela signifie que le message électrique, produit par le corps était semblable entre les participants et n’est donc pas la source des différences observées. C’est par conséquent lors de l’interprétation du message nociceptif, au niveau du cerveau, que les différences trouvent leurs origines.
Mais alors pourquoi nos cerveaux ne se comportent ils pas tous de la même manière face à la douleur ? Ces différences sont-elles déjà présentées à la naissance ou apparaissent-t-elles au cours de la vie ? Nous n’avons pas encore toutes les réponses concernant les différences en matière de douleur, en revanche des études ont d’ores et déjà montré qu’une partie des différences pouvaient être expliquées par des facteurs génétiques et donc potentiellement être présentes dès naissance. Mais cela n’explique pas tout, loin de là. L’âge pourrait également jouer un rôle, le genre, le sexe, l’origine culturelle et ethnique, l’appartenance à une classe sociale ou encore la personnalité.
Pour résumé, nous ne sommes pas tous égaux face à la douleur, tout au contraire. Chaque personne ressent, perçoit et interprète la douleur d’une manière qui lui est unique, et qui peut également varier selon les moments et les contextes.